La Débâcle – 2065

Le major Bouroche, voulant éviter l’envahissement du jardin et de l’ambulance, avait eu la précaution de faire placer deux factionnaires à la porte. Cela fut un soulagement pour Delaherche, qui venait de penser tout d’un coup que sa maison était peut-être livrée au pillage. Dans le jardin, la vue de l’ambulance à peine éclairée par quelques lanternes, et d’où s’exhalait une mauvaise haleine de fièvre, lui fit de nouveau froid au cœur. Il buta contre un soldat endormi sur le pavé, il se rappela le trésor du 7e corps, que gardait cet homme depuis le matin, oublié là sans doute par ses chefs, rompu d’une telle fatigue, qu’il s’était couché. D’ailleurs, la maison semblait vide, toute noire au rez-de-chaussée, les portes ouvertes. Les servantes devaient être restées à l’ambulance, car il n’y avait personne dans la cuisine, où fumait seulement une petite lampe triste. Il alluma un bougeoir, il monta doucement le grand escalier, pour nepas réveiller sa mère et sa femme, qu’il avait suppliées de se mettre au lit, après une journée si laborieuse et d’une si terrible émotion.