La Débâcle – 2188

Puis, le lendemain, les jours suivants, ce furent les autres étapes abominables : le château de Bellevue, ce riant castel bourgeois, dominant le fleuve, où il coucha, où il pleura, à la suite de son entrevue avec le roi Guillaume ; le cruel départ, Sedan évité par crainte de la colère des vaincus et des affamés, le pont de bateaux que les Prussiens avaient jeté à Iges, le long détour au nord de la ville, les chemins de traverse, les routes écartées de Floing, de Fleigneux, d’Illy, toute cette lamentable fuite en calèche découverte ; et là, sur ce tragique plateau d’Illy, encombré de cadavres, la légendaire rencontre, le misérable empereur, qui, ne pouvant plus même supporter le trot du cheval, s’était affaissé sous la violence de quelque crise, fumant peut-être machinalement son éternelle cigarette, tandis qu’un troupeau de prisonniers, hâves, couverts de sang et de poussière, ramenés de Fleigneux à Sedan, se rangeaient au bord du chemin pour laisser passer la voiture, les premiers silencieux, les autres grondant, les autres peu à peu exaspérés, éclatant en huées, les poings tendus, dans un geste d’insulte et de malédiction. Ensuite, il y eut encore la traversée interminable du champ de bataille, il y eut une lieue de chemins défoncés, parmi les débris, parmi les morts, aux yeux grands ouverts et menaçants, ily eut la campagne nue, les vastes bois muets, la frontière en haut d’une montée, puis la fin de tout qui dévalait au-delà, avec la route bordée de sapins, au fond de la vallée étroite.