La Débâcle – 2189

Et quelle première nuit d’exil, à Bouillon, dans une auberge, l’hôtel de la Poste, entouré d’une telle foule de Français réfugiés et de simples curieux, que l’empereur avait cru devoir se montrer, au milieu de murmures et de coups de sifflet ! La chambre, dont les trois fenêtres donnaient sur la place et sur la Semoy, était la banale chambre aux chaises recouvertes de damas rouge, à l’armoire à glace d’acajou, à la cheminée garnie d’une pendule de zinc, que flanquaient des coquillages et des vases de fleurs artificielles sous globe. A droite et à gauche de la porte, il y avait deux petits lits jumeaux. Dans l’un, coucha un aide de camp, que la fatigue fit dormir dès neuf heures, à poings fermés. Dans l’autre, l’empereur dut se retourner longuement, sans trouver le sommeil ; et, s’il se releva, pour promener son mal, il n’eut que la distraction de regarder contre le mur, aux deux côtés de la cheminée, des gravures qui se trouvaient là, l’une représentant Rouget de l’Isle chantant La Marseillaise, l’autre, le Jugement dernier, un appel furieux des trompettes des Archanges, qui faisaient sortir de la terre tous les morts, la résurrection du charnier des batailles montant témoigner devant Dieu.