La Débâcle – 2264

Du haut d’une pente voisine, une centaine de chevaux, libres, sans cavaliers, quelques-uns encore portant tout un paquetage, dévalaient, roulaient vers eux, d’un train d’enfer. C’étaient les bêtes perdues, restées sur le champ de bataille, qui se réunissaient ainsi en troupe, par un instinct. Sans foin ni avoine, depuis l’avant-veille, elles avaient tondu l’herbe rare, entamé les haies, rongé l’écorce des arbres. Et, quand la faim les cinglait au ventre comme à coups d’éperon, elles partaient toutes ensemble d’un galop fou, elles chargeaient au travers de la campagne vide et muette, écrasant les morts, achevant les blessés.