Dans la ferme, il n’y avait que des Prussiens, en compagnie d’une servante et de son enfant, revenus des bois, où ils avaient failli mourir de faim et de soif. C’était un coin de patriarcale bonhomie, d’honnête repos, après les fatigues des jours précédents. Des soldats brossaient soigneusement leurs uniformes, étendus sur les cordes à sécher le linge. Un autre achevait une habile reprise à son pantalon, tandis que le cuisinier du poste, au milieu de la cour, avait allumé un grand feu, sur lequel bouillait la soupe, une grosse marmite qui exhalait une bonne odeur de choux et de lard. Déjà, la conquête s’organisait avec une tranquillité, une discipline parfaites. On aurait dit des bourgeois rentrés chez eux, fumant leurs longues pipes. Sur un banc, à la porte, un gros homme roux avait pris dans ses bras l’enfant de la servante, un bambin de cinq à six ans ; et il le faisait sauter, il lui disait en allemand des mots de caresse, très amusé de voir l’enfant rire de cette langue étrangère, aux rudes syllabes, qu’il ne comprenait pas.