La Débâcle – 2404

Alors, il parla d’Henriette, de ses tentatives vaines pour voir son frère et lui venir en aide. Un hasard l’avait mise, dans Sedan, face à face avec le cousin Gunther, le capitaine de la garde prussienne. Il passait de son air sec et dur, en affectant de ne pas la reconnaître. Elle-même, le cœur soulevé, comme devant un des assassins de son mari, avait d’abord hâté le pas. Puis, dans un brusque revirement, qu’elle ne s’expliquait point, elle était revenue, lui avait tout dit, la mort de Weiss, d’une voix rude de reproche. Et il n’avait eu qu’un geste vague, en apprenant cette mort affreuse d’un parent : c’était le sort de la guerre, lui aussi aurait pu être tué. Sur son visage de soldat, à peine un froissement avait-il couru. Ensuite, lorsqu’elle lui avait parlé de son frère prisonnier, en le suppliant d’intervenir, pour qu’elle pût le voir, il s’était refusé à toute démarche. La consigne était formelle, il parlait de la volonté allemande comme d’une religion. En le quittant elle avait eu la sensation nette qu’il se croyait en France comme un justicier, avec l’intolérance et la morgue de l’ennemi héréditaire, grandi dans la haine de la race qu’il châtiait.