La Débâcle – 2440

Le lendemain, un samedi, dès l’aube, Jean ramena Maurice au campement du 106e, avec le nouvel espoir qu’on partirait ce jour-là. Mais il n’y avait pas d’ordre, le régiment semblait comme oublié. Beaucoup étaient partis, la presqu’île se vidait, et ceux qu’on laissait là tombaient à une maladie noire. Depuis huit grands jours, la démence germait et montait dans cet enfer. La cessation des pluies, le lourd soleil de plomb n’avait fait que changer le supplice. Des chaleurs excessives achevaient d’épuiser les hommes, donnaient aux cas de dysenterie un caractère épidémique inquiétant. Les déjections, les excréments de toute cette armée malade empoisonnaient l’air d’émanations infectes. On ne pouvait plus longer la Meuse ni le canal, tellement la puanteur des chevaux et des soldats noyés, pourrissant parmi les herbes, était forte. Et, dans les champs, les chevaux morts d’inanition se décomposaient, soufflaient si violemment la peste, que les Prussiens, qui commençaient à craindre pour eux, avaient apporté des pioches et des pelles, en forçant les prisonniers à enterrer les corps.