La Débâcle – 2443

Alors, la détresse commença pour Maurice. Il avait tâché de fuir cette plainte d’horrible douleur qui lui mettait à la peau une sueur d’angoisse ; mais, comme il se levait, à tâtons, il avait marché sur des membres, il était retombé par terre, muré avec ces mourants. Et il n’essayait même plus de s’échapper. Tout l’effroyable désastre s’évoquait, depuis le départ de Reims, jusqu’à l’écrasement de Sedan. Il lui semblait que la passion de l’armée de Châlons s’achevait seulement cette nuit-là, dans la nuit d’encre de cette cave, où râlaient deux soldats qui empêchaient les camarades de dormir. L’armée de la désespérance, le troupeau expiatoire, envoyé en holocauste, avait payé les fautes de tous du flot rouge deson sang, à chacune de ses stations. Et, maintenant, égorgée sans gloire, couverte de crachats, elle tombait au martyre, sous ce châtiment qu’elle n’avait pas mérité si rude. C’était trop, il en était soulevé de colère, affamé de justice, dans un besoin brûlant de se venger du destin.