La Débâcle – 2472

Il était à bout de force, plus malade encore de colère rentrée que d’épuisement. Tout l’exaspérait, jusqu’à ces sonneries aigres des trompettes prussiennes, qui l’auraient fait hurler comme une bête, dans l’énervement de sa chair. Jamais il n’arriverait à la fin du cruel voyage, sans se faire casser la tête. Déjà, lorsqu’on traversait le moindre des hameaux, il souffrait affreusement, en voyant les femmes qui le regardaient d’un air de grande pitié. Que serait-ce, quand on entrerait en Allemagne, que les populations des villes se bousculeraient, pour l’accueillir au passage, d’un rire insultant ? Et il évoquait les wagons à bestiaux où l’on allait les entasser, les dégoûts et les tortures de la route, la triste existence des forteresses, sous le ciel d’hiver, chargé de neige. Non, non ! plutôt la mort tout de suite, plutôt risquer de laisser sa peau au détour d’un chemin, sur la terre de France, que de pourrir là-bas, au fond d’une caserne noire, pendant des mois peut-être !