La Débâcle – 2586

Ils s’entendirent tout de suite, en causant de Maurice. Si elle se dévouait ainsi, c’était pour l’ami, pour le frère de Maurice, le brave homme secourable envers qui elle payait à son tour une dette de son cœur. Elle était pleine de gratitude, d’une affection qui grandissait, à mesure qu’elle le connaissait mieux, simple et sage, de cerveau solide ; et lui, qu’elle soignait comme un enfant, contractait une dette d’infinie reconnaissance, lui aurait baisé les mains, pour chaque tasse de bouillon qu’elle lui donnait. Entre eux, ce lien de tendre sympathie allait en se resserrant chaque jour, dans cette solitude profonde où ils vivaient, agités des mêmes peines. Quand ils avaient épuisé les souvenirs, les détails qu’elle lui demandait sans se lasser sur leur douloureuse marche de Reims à Sedan, la même question revenait toujours : que faisait Maurice à cette heure ? pourquoi n’écrivait-il pas ? Paris était-il donc complètement investi, qu’ils ne recevaient plus de nouvelles ? Ils n’avaient encore eu de lui qu’une lettre, datée de Rouen, trois jours après son départ, dans laquelle il expliquait, en quelques lignes, comment il venait de débarquer dans cette ville, à la suite d’un large détour pour atteindre Paris. Et plus rien depuis une semaine, l’absolu silence.