Les jours coulaient, monotones, et cette première semaine de la rechute fut certainement pour Jean et pour Henriette la plus mélancolique de leur longue intimité forcée. La souffrance ne cesserait donc pas ? toujours le danger allait-il renaître, sans qu’on pût espérer la fin de tant de misères ? Leur pensée volait à chaque heure vers Maurice, dont ils n’avaient plus eu de nouvelles. On leur disait bien que d’autres recevaient des lettres, des billets minces apportés par des pigeons voyageurs. Sans doute, le coup de feu de quelque Allemand avait tué, au passage, dans le grand ciel libre, le pigeon qui portait leur joie et leur tendresse, à eux. Tout semblait se reculer,s’éteindre et disparaître, au fond de l’hiver précoce. Les bruits de la guerre ne leur parvenaient qu’après des retards considérables, les rares journaux que le docteur Dalichamp leur apportait encore dataient souvent d’une semaine. Et leur tristesse était faite beaucoup de leur ignorance, de ce qu’ils ne savaient pas et de ce qu’ils devinaient, du long cri de mort qu’ils entendaient malgré tout, dans le silence de la campagne, autour de la ferme.