La Débâcle – 2678

De toutes parts, d’ailleurs, du Nord comme du Centre, les nouvelles s’aggravaient. Dans le Nord, le 22e corps d’armée, formé de gardes mobiles, de compagnies de dépôt, de soldats et d’officiers échappés aux désastres de Sedan et de Metz, avait dû abandonner Amiens, pour se retirer du côté d’Arras ; et, à son tour, Rouen venait de tomber entre les mains de l’ennemi, sans que cette poignée d’hommes, débandés, démoralisés, l’eussent défendu sérieusement. Dans le Centre, la victoire de Coulmiers, remportée le 9 novembre par l’armée de la Loire, avait fait naître d’ardentes espérances : Orléans réoccupé, les Bavarois en fuite, la marche par Etampes, la délivrance prochaine de Paris. Mais, le 5 décembre, le prince Frédéric-Charles reprenait Orléans, coupait en deux l’armée de la Loire, dont trois corps se repliaient sur Vierzon et Bourges, tandis que deux autres, sous les ordres du général Chanzy, reculaient jusqu’au Mans, dans une retraite héroïque, toute une semaine de marches et de combats. Les Prussiens étaient partout, à Dijon, comme à Dieppe, au Mans comme à Vierzon. Puis c’était, presque chaque matin, le lointain fracas de quelque place forte qui capitulait sous les obus. Dès le 28 septembre, Strasbourg avait succombé, après quarante-six jours de siège et trente-sept de bombardement, les murs hachés, les monuments criblés par près de deux cent mille projectiles. Déjà, la citadelle de Laon avait sauté, Toul s’était rendu ; et venait ensuite le défilé sombre : Soissons avec ses cent vingt-huit canons, Verdun qui en comptait cent trente-six, Neufbrisach cent, La Fère soixante-dix,Montmédy soixante-cinq. Thionville était en flammes, Phalsbourg n’ouvrait ses portes que dans sa douzième semaine de furieuse résistance. Il semblait que la France entière brûlât, s’effondrât, au milieu de l’enragée canonnade.