Le dimanche, le père Fouchard, inquiet, avait fait savoir aux francs-tireurs qu’on leur porterait leur sac de pains dans les carrières de Boisvine, un coin très solitaire, à deux kilomètres ; et, Prosper se trouvant occupé, ce fut Silvine qu’il envoya, avec la brouette. N’était-ce point le sort qui décidait ? Elle vit là un arrêt du destin, elle parla, donna le rendez-vous à Sambuc pour le lendemain soir,d’une voix nette, sans fièvre, comme si elle n’avait pu faire autrement. Le lendemain, il y eut encore des signes, des preuves certaines que les gens, que les choses mêmes voulaient le meurtre. D’abord, ce fut le père Fouchard, appelé brusquement à Raucourt, qui laissa l’ordre de dîner sans lui, prévoyant qu’il ne rentrerait guère avant huit heures. Ensuite, Henriette, dont le tour de veillée, à l’ambulance, ne revenait que le mardi, reçut l’avis, très tard, qu’elle aurait à remplacer le soir la personne de service, indisposée. Et, comme Jean ne quittait point sa chambre, quels que fussent les bruits, il ne restait donc que Prosper, dont on pouvait craindre l’intervention. Lui, n’était pas pour qu’on égorgeât ainsi un homme, à plusieurs. Mais, quand il vit arrêter son frère avec ses deux lieutenants, le dégoût qu’il avait de ce vilain monde s’ajouta à son exécration des Prussiens : sûrement qu’il n’allait pas en sauver un, de ces sales bougres, même si on lui faisait son affaire d’une façon malpropre ; et il aima mieux se coucher, enfoncer sa tête dans le traversin, pour ne pas entendre et n’être pas tenté de se conduire en soldat.