Alors, le mois de novembre se passa dans une impatience fiévreuse. De petits combats eurent lieu, auxquels Maurice ne prit aucune part. Il bivouaquait maintenant du côté de Saint-Ouen, il s’échappait à chaque occasion, dévoré d’un continuel besoin de nouvelles. Comme lui, Paris attendait, anxieux. L’élection des maires semblait avoir apaisé les passions politiques ; mais presque tous les élus appartenaient aux partisextrêmes, il y avait là, pour l’avenir, un symptôme redoutable. Et ce que Paris attendait, dans cette accalmie, c’était la grande sortie tant réclamée, la victoire, la délivrance. Cela, de nouveau, ne faisait aucun doute : on culbuterait les Prussiens, on leur passerait sur le ventre. Des préparatifs étaient faits dans la presqu’île de Gennevilliers, le point jugé le plus favorable pour une trouée. Puis, un matin, on eut la joie folle des bonnes nouvelles de Coulmiers, Orléans repris, l’armée de la Loire en marche, déjà campée à Etampes, disait-on. Tout fut changé, il ne s’agissait plus que d’aller lui donner la main, de l’autre côté de la Marne. On avait réorganisé les forces militaires, créé trois armées, l’une composée des bataillons de la garde nationale, sous les ordres du général Clément Thomas, l’autre formée des 13e et 14e corps, augmentée des meilleurs éléments pris un peu partout, que le général Ducrot devait conduire à la grande attaque, l’autre enfin, la troisième, l’armée de réserve, faite uniquement de garde mobile et confiée au général Vinoy. Et une foi absolue soulevait Maurice, quand, le 28 novembre, il vint coucher dans le bois de Vincennes, avec le 115e. Les trois corps de la IIe armée étaient là, on racontait que le rendez-vous, donné à l’armée de la Loire, était pour le lendemain, à Fontainebleau. Puis, tout de suite, ce furent les malchances, les fautes habituelles, une crue subite qui empêcha de jeter les ponts de bateaux, des ordres fâcheux qui attardèrent les mouvements. La nuit suivante, le 115e, un des premiers, passa la rivière ; et, dès dix heures, sous un feu effroyable, Maurice pénétra dans le village de Champigny. Il était comme fou, son chassepot lui brûlait les doigts, malgré le froid terrible. Son unique vouloir, depuis qu’il marchait, était d’allerainsi en avant, toujours, jusqu’à ce qu’on eût rejoint les camarades de la province, là-bas. Mais, en face de Champigny et de Bry, l’armée venait de se heurter contre les murs des parcs de Cœuilly et de Villiers, des murs d’un demi-kilomètre, dont les Prussiens avaient fait des forteresses imprenables. C’était la borne, où tous les courages échouèrent. Dès lors, il n’y eut plus qu’hésitation et recul, le 3e corps s’était attardé, le 1er et le 2e, immobilisés déjà, défendirent deux jours Champigny, qu’ils durent abandonner dans la nuit du 2 décembre, après leur stérile victoire. Cette nuit-là, toute l’armée revint camper sous les arbres du bois de Vincennes, blancs de givre ; et Maurice, les pieds morts, la face contre la terre glacée, pleura.