Mais un souvenir, pourtant, restait très net dans la mémoire de Maurice : sa rencontre brusque avec Jean. Depuis trois jours, ce dernier se trouvait à Paris, où il était arrivé sans un sou, hâve encore, épuisé par la fièvre de deux mois qui l’avait retenu au fond d’un hôpital de Bruxelles ; et, tout de suite, ayant retrouvé un ancien capitaine du 106e, le capitaine Ravaud, il s’était fait engager dans la nouvelle compagnie du 124e, que celui-ci commandait. Il y avait repris ses galons de caporal, il venait, ce soir-là, de quitter justement la caserne du Prince-Eugène le dernier, avec son escouade, pour gagner la rive gauche, où toute l’armée avait reçu l’ordre de seconcentrer, lorsque, sur le boulevard Saint-Martin, un flot de foule arrêta ses hommes. On criait, on parlait de les désarmer. Très calme, il répondait qu’on lui fichât la paix, que tout ça ne le regardait pas, qu’il voulait simplement obéir à sa consigne, sans faire de mal à personne. Mais il y eut un cri de surprise, Maurice, qui s’était approché, se jetait à son cou, l’embrassait fraternellement.