Alors, Maurice, échappé à la tuerie, tout frémissant de s’être battu, n’avait plus eu que de la haine contre ce prétendu gouvernement d’ordre et de légalité, qui, écrasé à chaque rencontre par les Prussiens, retrouvait seulement du courage pour vaincre Paris. Et les armées allemandes étaient encore là, de Saint-Denis à Charenton, assistant à ce beau spectacle de l’effondrement d’un peuple ! Aussi, dans la crise sombre de destruction qui l’envahissait, approuva-t-il les premières mesures violentes, la construction de barricades barrant les rues et les places, l’arrestation des otages d’avril, la fusillade, la canonnade ne cessaient plus. A Levallois, à Neuilly, d’autre, les atrocités commençaient : Versailles fusillait les prisonniers, Paris décrétait que, pour la tête d’un de ses combattants, il ferait tomber trois têtes d’otages ; et le peu de raison qui restait à Maurice, après tant de secousses et de ruines, s’en allait au vent de fureur soufflant de partout. La Commune lui apparaissait comme une vengeresse des hontes endurées, comme une libératrice apportant le fer qui ampute, le feu qui purifie. Cela n’était pas très clair dans son esprit, le lettré en lui évoquait simplement des souvenirs classiques, des villes libres et triomphantes, des fédérations de riches provinces imposant leur loi au monde. Si Paris l’emportait, il le voyait, dans une gloire, reconstituant une France de justice et de liberté, réorganisant une société nouvelle, après avoir balayé les débris pourris de l’ancienne. A la vérité, après les élections, les noms des membres de la Commune l’avaient un peu surpris parl’extraordinaire mélange de modérés, de révolutionnaires, de socialistes de toutes sectes, à qui la grande œuvre se trouvait confiée. Il connaissait plusieurs de ces hommes, il les jugeait d’une grande médiocrité. Les meilleurs n’allaient-ils pas se heurter, s’annihiler, dans la confusion des idées qu’ils représentaient ? Mais, le jour où la Commune fut solennellement constituée, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, pendant que le canon tonnait et que les trophées de drapeaux rouges claquaient au vent, il avait voulu tout oublier, soulevé de nouveau par un espoir sans bornes. Et l’illusion recommençait, dans la crise aiguë du mal à son paroxysme, au milieu des mensonges des uns et de la foi exaltée des autres.