La Débâcle – 3020

Maurice, alors, qui n’avait jamais bu, se trouva pris et comme noyé, dans le coup d’ivresse générale. Il lui arrivait, maintenant, lorsqu’il était de service à quelque poste avancé, ou bien lorsqu’il passait la nuit au corps de garde, d’accepter un petit verre de cognac. S’il en prenait un second, il s’exaltait, parmi les souffles d’alcool qui lui passaient sur la face. C’était l’épidémie envahissante, la soûlerie chronique, léguée par le premier siège, aggravée par le second, cette population sans pain, ayant de l’eau-de-vie et du vin à pleins tonneaux, et qui s’était saturée, délirante désormais à la moindre goutte. Pour la premièrefois de sa vie, le 21 mai, un dimanche, Maurice rentra ivre, vers le soir, rue des Orties, où il couchait de temps à autre. Il avait passé la journée à Neuilly encore, faisant le coup de feu, buvant avec les camarades, dans l’espoir de combattre l’immense fatigue qui l’accablait. Puis, la tête perdue, à bout de force, il était venu se jeter sur le lit de sa petite chambre, ramené par l’instinct, car jamais il ne se rappela comment il était rentré. Et, le lendemain seulement, le soleil était déjà haut, lorsque des bruits de tocsins, de tambours et de clairons le réveillèrent. La veille, au Point-du-Jour, les Versaillais, trouvant une porte abandonnée, étaient entrés librement dans Paris.