Ce fut le premier sentiment de Maurice, quand il eut compris : la fin était venue, il n’y avait qu’à se faire tuer. Mais le tocsin sonnait à la volée, les tambours battaient plus fort, des femmes et jusqu’à des enfants travaillaient aux barricades, les rues s’emplissaient de la fièvre des bataillons, réunis à la hâte, courant à leur poste de combat. Et, dès midi, l’éternel espoir renaissait au cœur des soldats exaltés de la Commune, résolus à vaincre, en constatant que les Versaillais n’avaient presque pas bougé. Cette armée, qu’ils avaient craint de voir aux Tuileries en deux heures, opérait avec une prudence extraordinaire, instruite par ses défaites, exagérant la tactique que les Prussiens lui avaient si durement apprise. A l’Hôtel de Ville, le Comité de salut public et Delescluze, délégué à la guerre, organisaient, dirigeaient la défense. On racontait qu’ils avaient repoussé dédaigneusement une suprême tentative de conciliation. Cela enflammait les courages, le triomphe de Paris redevenait certain, de toutes parts la résistance allait être farouche, comme l’attaque devait être implacable, dans lahaine grossie de mensonges et d’atrocités, qui brûlait au cœur des deux armées. Et, cette journée, Maurice la passa du côté du Champ-de-Mars et des Invalides, à se replier lentement, de rue en rue, en lâchant des coups de feu. Il n’avait pu retrouver son bataillon, il se battait avec des camarades inconnus, emmené par eux sur la rive gauche, sans même y avoir pris garde. Vers quatre heures, ils défendirent une barricade qui fermait la rue de l’Université, à sa sortie sur l’esplanade ; et ils ne l’abandonnèrent qu’au crépuscule, lorsqu’ils surent que la division Bruat, filant le long du quai, s’était emparée du Corps législatif. Ils avaient failli être pris, ils gagnèrent la rue de Lille à grand-peine, grâce à un large détour par la rue Saint-Dominique et la rue de Bellechasse. Quand la nuit tomba, l’armée de Versailles occupait une ligne qui partait de la porte de Vanves, passait par le Corps législatif, le palais de l’Elysée, l’église Saint-Augustin, la gare Saint-Lazare, et aboutissait à la porte d’Asnières.