La Débâcle – 3212

Jean, plein d’angoisse, se retourna vers Paris. A cette fin si claire d’un beau dimanche, le soleil oblique, au ras de l’horizon, éclairait la ville immense d’une ardente lueur rouge. On aurait dit un soleil de sang, sur une mer sans bornes. Les vitres des milliers de fenêtres braisillaient, comme attisées sous des soufflets invisibles ; les toitures s’embrasaient, telles que des lits de charbons ; les pans de murailles jaunes, les hauts monuments, couleur de rouille, flambaient avec les pétillements de brusques feux de fagots, dans l’air du soir. Et n’était-ce pas la gerbe finale, le gigantesque bouquet de pourpre, Paris entier brûlant ainsi qu’une fascine géante, une antique forêt sèche, s’envolant au ciel d’un coup, en un vol de flammèches et d’étincelles ? Les incendies continuaient, de grosses fumées roussesmontaient toujours, on entendait une rumeur énorme, peut-être les derniers râles des fusillés, à la caserne Lobau, peut-être la joie des femmes et le rire des enfants, dînant dehors après l’heureuse promenade, assis aux portes des marchands de vin. Des maisons et des édifices saccagés, des rues éventrées, de tant de ruines et de tant de souffrances, la vie grondait encore, au milieu du flamboiement de ce royal coucher d’astre, dans lequel Paris achevait de se consumer en braise.