La Débâcle – 326

Le 106e ne devait pas traverser Reims, l’ordre de marche était de tourner la ville, pour rejoindre la grande route de Châlons. Mais, cette fois encore, on avait négligé d’échelonner les heures, de sorte que les quatrecorps d’armée étant partis ensemble, il se produisit une extrême confusion, à l’entrée des premiers tronçons de routes communes. L’artillerie, la cavalerie, à chaque instant, coupaient et arrêtaient les lignes de fantassins. Des brigades entières durent attendre pendant une heure, l’arme au pied. Et le pis, ce fut qu’un épouvantable orage éclata, dix minutes à peine après le départ, une pluie diluvienne qui trempa les hommes jusqu’aux os, alourdissant sur leurs épaules le sac et la capote. Le 106e, pourtant, avait pu se remettre en marche, comme la pluie cessait ; tandis que, dans un champ voisin, des zouaves, forcés d’attendre encore, avaient trouvé, pour prendre patience, le petit jeu de se battre à coups de boules de terre, des paquets de boue dont l’éclaboussement, sur les uniformes, soulevait des tempêtes de rire.