La Débâcle – 340

La gaieté revint à la grande halte, dans un chaume, où les soldats purent s’asseoir sur leurs sacs, pour manger un morceau. Les gros biscuits, carrés, servaient à tremper la soupe ; mais les petits, ronds, croquants et légers, étaient une vraie friandise, qui avait le seul défaut de donner une soif terrible. Invité, Pache à son tour chanta un cantique, que toute l’escouade reprit en chœur. Jean, bon enfant, souriait, laissait faire, tandis que Maurice reprenait confiance, à voir l’entrain de tous, le bel ordre et la belle humeur de cette première journée de marche. Et le reste de l’étape fut franchi du même pas gaillard. Pourtant, les huit derniers kilomètres semblèrent durs. On venait de laisser à droite le village de Prosnes, on avait quitté la grand-route pour couper à travers des terrains incultes, des landes sablonneuses plantées de petits bois de pins ; et la division entière, suivie de l’interminable convoi, tournait au milieu de ces bois, dans ce sable où l’on enfonçait jusqu’à la cheville. Le désert s’était encore élargi, on ne rencontra qu’un maigre troupeau de moutons, gardé par un grand chien noir.