La Débâcle – 383

Et Maurice fut laissé à la garde de la marmite d’eau qui bouillait, avec l’ordre d’entretenir le feu. Il s’était assis sur sa couverture, le pied déchaussé, pour que la plaie séchât. La vue du camp l’intéressait, toutes les escouades en l’air, depuis qu’elles n’attendaient plus les distributions. Cette vérité se faisait en lui que certaines manquaient toujours de tout, tandis que d’autres vivaient dans une continuelle abondance, selon la prévoyance et l’adresse du caporal et des hommes. Au milieu de l’énorme agitation qui l’entourait, à travers les faisceaux et les tentes, il en remarquait qui n’avaient pas même pu allumer leur feu, d’autres résignées déjà, couchées pour lanuit, d’autres, au contraire, en train de manger de grand appétit, on ne savait quoi, de bonnes choses. Et ce qui le frappait d’autre part, c’était le bel ordre de l’artillerie de réserve, campée au-dessus de lui, sur le coteau. A son coucher, le soleil parut entre deux nuages, embrasa les canons, que les artilleurs avaient déjà lavés de la boue des chemins.