La Débâcle – 431

Un hasard fit alors que Maurice reconnut Prosper, qui avait poussé son cheval au bord d’une mare ; et ils purent causer un instant. Le chasseur paraissait étourdi, hébété, ne sachant rien, n’ayant rien vu depuis Reims : si pourtant, il avait vu deux uhlans encore, des bougres qui apparaissaient, qui disparaissaient, sans qu’on sût d’où ils sortaient ni où ils rentraient. Déjà, on contait des histoires, quatre uhlans entrant au galop dans une ville, lerevolver au poing, la traversant, la conquérant, à vingt kilomètres de leur corps d’armée. Ils étaient partout, ils précédaient les colonnes d’un bourdonnement d’abeilles, mouvant rideau derrière lequel l’infanterie dissimulait ses mouvements, marchait en toute sécurité, comme en temps de paix. Et Maurice eut un grand serrement au cœur, en regardant la route encombrée de chasseurs et de hussards, qu’on utilisait si mal.