La Débâcle – 449

Ce furent quelques heures délicieuses de repos pour Maurice. Il s’était allongé dans le champ à mi-côte, où bivouaquait le régiment ; et, engourdi de fatigue, il regardait cette verte vallée de l’Aisne, ces prairies plantées de bouquets d’arbres, au milieu desquels la rivière coule, paresseuse. Devant lui, fermant la vallée, Vouziers se dressait en amphithéâtre, étageant ses toits, que dominait l’église avec sa flèche mince et sa tour coiffée d’un dôme. En bas, près du pont, les cheminées hautes des tanneries fumaient ; tandis que, à l’autre bout, les bâtiments d’un grand moulin se montraient, enfarinés, parmi les verdures du bord de l’eau. Et cet horizon de petite ville, perdu dans les herbes, lui apparaissait plein d’un charme doux, comme s’il eût retrouvé ses yeux de sensitif et de rêveur. C’était sa jeunesse qui revenait, les voyages qu’il avait faits autrefois à Vouziers, quand il habitait le Chêne, son bourg natal. Pendant une heure, il oublia tout.