La Débâcle – 471

Et ce découragement, que Maurice raisonnait en garçon intelligent et instruit, il grandissait, il pesait peu à peu sur toutes les troupes, immobilisées sans raison, dévorées par l’attente. Obscurément, le doute, le pressentiment de la situation vraie faisaient leur travail, dans ces cervelles épaisses ; et il n’était plus un homme, si borné fût-il, qui n’éprouvât le malaise d’être mal conduit, attardé à tort, poussé au hasard dans la plus désastreuse des aventures. Qu’est-ce qu’on fichait là, bon Dieu ! puisque les Prussiens ne venaient pas ? Ou se battre tout de suite, ou s’en aller quelque part dormir tranquille. Ils en avaient assez. Depuis que le dernier aide de camp était parti pour rapporter des ordres, l’anxiété croissait ainsi de minute en minute, des groupes s’étaientformés, parlant haut, discutant. Les officiers, gagnés par cette agitation, ne savaient que répondre aux soldats qui osaient les interroger. Aussi, à cinq heures, lorsque le bruit se répandit que l’aide de camp était de retour et qu’on allait se replier, y eut-il un allègement dans toutes les poitrines, un soupir de profonde joie.