La Débâcle – 497

Combette, le pharmacien, un petit homme sec et remuant, rentra chez lui, très excité par tout ce qu’il venait de voir et d’entendre. Il semblait être dans le secret des choses, étant adjoint au maire. C’était vers trois heures et demie que Mac-Mahon avait télégraphié à Bazaine que l’arrivée du prince royal de Prusse à Châlons le forçait à se replier sur les places du Nord ; et une autre dépêche allait partir pour le ministre de la Guerre, l’avertissant également de la retraite, lui expliquant le danger terrible où se trouvait l’armée d’être coupée et écrasée. La dépêche à Bazaine pouvait courir, si elle avait de bonnes jambes, car toutes les communications semblaient interrompues avec Metz depuis plusieurs jours. Mais, l’autre dépêche, c’était plus grave ; et, baissant la voix, le pharmacien raconta qu’il avait entendu un officier supérieur dire : ” S’ils sont prévenus à Paris ! nous sommes foutus ! ” Personne n’ignorait avec quelle âpreté l’impératrice-régente et le Conseil des ministres poussaient à la marche en avant. D’ailleurs, la confusion augmentait d’heure en heure, les renseignements les plus extraordinaires arrivaient sur l’approche des armées allemandes. Le prince royal de Prusse à Châlons, était-ce possible ? Et contre quelles troupes venait donc de se heurter le 7e corps, dans les défilés de l’Argonne ?