La Débâcle – 519

Cependant, là-bas, devant Vouziers, Jean n’avait point dormi. Depuis que Maurice lui avait expliqué comment cette retraite allait tout sauver, il veillait, empêchant ses hommes de s’écarter, attendant l’ordre de départ, que les officiers pouvaient donner d’une minute à l’autre. Vers deux heures, dans l’obscurité profonde, que les feux étoilaient de rouge, un grand bruit de chevaux traversa le camp : c’était la cavalerie qui partait en avant-garde, vers Ballay et Quatre-Champs, afin de surveiller les routes de Boult-aux-Bois et de la Croix-aux-Bois. Une heure plus tard, l’infanterie et l’artillerie se mirent à leur tour en branle, quittant enfin ces positions de Falaise et de Chestre, que depuis deux grands jours elles s’entêtaient à défendre contre un ennemi qui ne venaitpoint. Le ciel s’était couvert, la nuit restait profonde, et chaque régiment s’éloignait dans le plus grand silence, un défilé d’ombres se dérobant au fond des ténèbres. Mais tous les cœurs battaient d’allégresse, comme si l’on eût échappé à un guet-apens. On se voyait déjà sous les murs de Paris, à la veille de la revanche.