La Débâcle – 541

Maurice venait d’avoir un réveil accablé et frissonnant. Son pied, grâce aux larges chaussures, ne s’était pourtant plus enflammé. Mais le déluge de la veille, dont sa capote restait lourde, lui avait laissé une courbature dans tous les membres. Et, envoyé à la corvée de l’eau, pour le café, il regardait la plaine, à un bord de laquelle Boult-aux-Bois est situé : des forêts montent à l’ouest et au nord, une côte s’élève jusqu’au village de Belleville ; tandis que, vers Buzancy, à l’est, de vastes terrains plats s’étendent, avec de lentes ondulations, où se cachent des hameaux. Etait-ce par là qu’on attendait l’ennemi ? Comme il revenait du ruisseau, rapportant le bidon plein, une famille de paysans éplorée, sur le seuil d’une petite ferme, l’appela, lui demanda si les soldats allaient rester enfin, pour les défendre. Déjà, à troisreprises, dans le va-et-vient des ordres contraires, le 5e corps avait traversé le pays. La veille, on avait entendu le canon, du côté de Bar. Certainement, les Prussiens n’étaient pas à plus de deux lieues. Et, lorsque Maurice eut répondu à ces pauvres gens que le 7e corps allait sans doute repartir, lui aussi, ils se lamentèrent. On les abandonnait, les soldats ne venaient donc pas pour se battre, qu’ils les voyaient reparaître et disparaître, toujours fuyants ?