La Débâcle – 546

Jean écoutait, demeurait silencieux. Au lever, il avait eu une querelle avec Chouteau, qu’il voulait envoyer à la corvée du bois, et qui s’y était refusé insolemment, disant que ce n’était pas son tour. Depuis que tout allait de mal en pis, l’indiscipline augmentait, les chefs finissaient par ne plus oser faire une réprimande. Et Jean, avec son beau calme, avait compris qu’il devait effacer son autorité de caporal, s’il ne voulait pas provoquer des révoltes ouvertes. Il s’était fait bon diable, il semblait n’être que lecamarade de ses hommes, auxquels son expérience continuait à rendre de grands services. Si son escouade n’était plus si bien nourrie, elle ne crevait tout de même pas encore de faim, comme tant d’autres. Mais la souffrance de Maurice, surtout, l’attendrissait. Il le sentait s’affaiblir, il le regardait d’un œil inquiet, en se demandant comment ce garçon frêle ferait pour aller jusqu’au bout.