La Débâcle – 570

A Authe, le ciel s’éclaircit, et Maurice, qui se dirigeait sur la position du soleil, remarqua qu’au lieu de remonter davantage vers le Chêne, à trois grandes lieuesde là, on tournait pour marcher droit à l’est. Il était deux heures, on souffrit alors de la chaleur accablante, après avoir grelotté sous la pluie, pendant deux jours. Le chemin, avec de longs circuits, montait au travers de plaines désertes. Pas une maison, pas une âme, à peine de loin en loin un petit bois triste, au milieu de la mélancolie des terres nues ; et le morne silence de cette solitude avait gagné les soldats, qui, la tête basse, en sueur, traînaient les pieds. Enfin, Saint-Pierremont apparut, quelques maisons vides sur un monticule. On ne traversa pas le village, Maurice constata qu’on tournait tout de suite à gauche, reprenant la direction du nord, vers la Besace. Cette fois, il comprit la route adoptée pour s’efforcer d’atteindre Mouzon, avant les Prussiens. Mais pourrait-on y réussir, avec des troupes si lasses, si démoralisées ? A Saint-Pierremont, les trois uhlans avaient reparu, au loin, au coude d’une route qui venait de Buzancy ; et, comme l’arrière-garde quittait le village, une batterie fut démasquée, quelques obus tombèrent, sans faire aucun mal. On ne répondit pas, la marche continuait, de plus en plus pénible.