La Débâcle – 571

De Saint-Pierremont à la Besace, il y a trois grandes lieues, et Jean, à qui Maurice disait cela, eut un geste désespéré : jamais les hommes ne feraient douze kilomètres, il le voyait à des signes certains, leur essoufflement, l’égarement de leur visage. La route montait toujours, entre deux coteaux qui se resserraient peu à peu. On dut faire une halte. Mais ce repos avait achevé d’engourdir les membres ; et, quand il fallut repartir, ce fut pis encore : les régiments n’avançaient plus, des hommes tombaient. Jean, en voyant Mauricepâlir, les yeux chavirés de lassitude, causait contre son habitude, tâchait de l’étourdir d’un flux de paroles, pour le tenir éveillé, dans le mouvement mécanique de la marche, devenu inconscient.