La Débâcle – 650

Et Maurice serrait les dents, pris d’une furieuse envie de crier. Pourquoi ne marchait-on pas au canon, tout de suite, sans tant de paroles ? Jamais il n’avait éprouvé une excitation pareille. Chaque coup lui répondait dans la poitrine, le soulevait, le jetait au besoin immédiat d’être là-bas, d’en être, d’en finir. Est-ce qu’ils allaient encore longer cette bataille, la toucher du coude, sans brûler une cartouche ? C’était une gageure, de les traîner ainsi depuis la déclaration de guerre, toujours fuyant ! A Vouziers, ils n’avaient entendu que les coups de feu de l’arrière-garde. A Oches, l’ennemi venait seulement de les canonner un instant, de dos. Et ils fileraient, ils n’iraient pas cette fois soutenir les camarades, au pas de course !Maurice regarda Jean qui était, comme lui, très pâle, les yeux luisants de fièvre. Tous les cœurs sautaient dans les poitrines, à cet appel violent du canon.