La Débâcle – 857

Puis, comme Jean, qui s’était éloigné, revenait, avec l’idée que ce garçon devait savoir l’adresse des parents de Maurice, il ne le revit plus. Alors, ce fut du désespoir, il erra de rue en rue, se retrouva à la sous-préfecture, poussa jusqu’à la place Turenne. Là, un instant, il se crut sauvé, en apercevant devant l’hôtel de ville, au pied de la statue même, le lieutenant Rochas, avec quelques hommes de la compagnie. S’il ne pouvait rejoindre son ami, il rallierait le régiment, il dormirait au moins sous la tente. Le capitaine Beaudoin n’ayant pas reparu, emporté de son côté, échoué ailleurs, le lieutenant tâchait de réunir son monde, s’informant, demandant en vain oùétait fixé le campement de la division. Mais, à mesure qu’on avançait dans la ville, la compagnie, au lieu de s’accroître, diminuait. Un soldat, avec des gestes fous, entra dans une auberge, et jamais il ne revint. Trois autres s’arrêtèrent devant la porte d’un épicier, retenus par des zouaves qui avaient défoncé un petit tonneau d’eau-de-vie. Plusieurs, déjà, gisaient en travers du ruisseau, d’autres voulaient partir, retombaient, écrasés et stupides. Chouteau et Loubet, se poussant du coude, venaient de disparaître au fond d’une allée noire, derrière une grosse femme qui portait un pain. Et il n’y avait plus, avec le lieutenant, que Pache et Lapoulle, ainsi qu’une dizaine de camarades.