Cahiers naturalistes 2020

Résumés des articles (français/anglais)

I- Les “petits naturalistes” : une littérature au second degré ?

René-Pierre Colin, « Flaubertocentrisme et flaubertolâtrie »

Contre son gré, Flaubert est le vrai « patron » du naturalisme. Son œuvre est citée, imitée, parodiée. Henry Céard fait de lui un personnage de Terrains à vendre au bord de la mer. Un temps vient où cette constante référence lasse et suscite une réaction. Zola lui-même s’en prend à « l’adoration du rien [qu’il voit] tourner au culte ».

Against his will, Flaubert is the real “boss” of naturalism. His work is quoted, imitated, parodied. Henry Céard makes him a character in Lands for Sale by the Sea. A time comes when this constant reference wearies and provokes a reaction. Zola himself attacks “the adoration of nothing [that he sees] turning into worship”.

Daniel Sangsue, «Robert Caze et le second degré parodique : D’après les maîtres »

L’étude porte sur les nouvelles parodiques composant la partie D’après les maîtres du recueil Les Bas de Monseigneur de Robert Caze (1884). Ces parodies sont mises en relation avec son œuvre poétique, marquée par l’esthétique symboliste et une volonté d’imitation des grands poètes de l’époque, puis avec ses romans, qui à la fois démarquent Flaubert et raillent le romantisme. On montre ensuite par quels moyens parodiques les nouvelles de D’après les maîtres transforment les textes classiques et romantiques qu’elles prennent pour cibles dans le but d’en dénoncer le faux idéalisme au nom du naturalisme.

This study focuses on the parodic short stories belonging to a section entitled D’après les maîtres in Robert Caze’s Les Bas de Monseigneur (1884) collection. These parodies engage both with the author’s poetic work, marked by Symbolist aesthetics and the imitation of the great poets of his time, and with his novels, which simultaneously model themselves on Flaubert’s and mock Romanticism. We then examine the parodic strategies used in the D’après les maîtres short stories to transform classic and romantic texts with a view to demystifying their false idealism in the name of Naturalism.

Catherine Dousteyssier-Khoze, « Les petits naturalistes et le personnage-cristal. Figure(s) de théoricien, écrivain, lecteur et personnage naturalistes dans Le Termite (1890) de J-H. Rosny »

Si l’étrange roman de J-H. Rosny dit Rosny aîné, Le Termite, roman de mœurs littéraires (1890), retient notre attention, c’est pour montrer que les enjeux de la modernité littéraire sont en train de se nouer dans ce texte hyper réflexif ou métafiction. Rosny le « petit naturaliste » crée en effet un type nouveau de narration et de personnage qui lui permet d’acter la fin du naturalisme. Le personnage-écrivain passe son temps à se regarder vivre et écrire, à s’analyser, à décomposer les différentes phases de l’écriture (et de la lecture) dans les confins mêmes du roman. A travers cet usage systématique et novateur de la mise en abyme – figure que Gide ne « théorisera » qu’en 1893, avant de la mettre lui-même en application dans Paludes (1895) -, et en référence à l’« image-temps » (dont l’image-cristal) qui est, selon Deleuze, la marque du cinéma dit moderne, nous verrons que narration et « personnage-cristal » entretiennent un rapport fondamentalement nouveau au temps dans ce roman expérimental en action.

We focus here on J-H. Rosny’s strange novel, Le Termite, roman de mœurs littéraires (1890), in order to show that literary modernity is in the making in that hyper-reflexive text or metafiction. Indeed, Rosny the “petit naturaliste” creates a new type of narration and character that effectively puts an end to Naturalist fiction. The writer-character spends his time studying his life and his writing and deconstructing the different stages of the writing (and reading) process from within the very confines of the text. Through the systematic and innovative use of mise en abyme – a narrative device that Gide will only “theorise” in 1893 before putting it himself into practice in Paludes (1895) –, and with reference to Deleuze’s “time-image” and “crystal-image”, which are according to him the hallmarks of modern cinema, we shall establish that the narration and the “crystal-character” relate to time in a fundamentally different way in that experimental novel in action.

Marie-Françoise Montaubin, « Le roman “sentimental” des petits naturalistes »

En France, point de romanesque sans amour, comme le soulignait Thibaudet. L’une des révolutions introduites par le réalisme et le naturalisme consiste à délégitimer le roman d’amour et à le reléguer dans la sphère populaire de roman « pour concierges ». Les petits naturalistes se trouvent ainsi pris en étau entre le refus du sentiment et de la « personnalité sentimentale » dénoncée par Flaubert et l’horizon d’attente des lecteurs de romans, voire les fondements même de l’écriture romanesque. Incapables de se débarrasser de l’amour, ils mettent en place deux biais pour rendre acceptable le roman sentimental : l’ironie, venant miner le récit de vies plates dans lesquelles l’amour échoue à se faire aventure, et la pratique incessante d’une intertextualité susceptible de déplacer l’accent du récit sur les techniques d’écriture. Cette volonté de ne pas être dupe met cependant en péril le romanesque et peut expliquer pourquoi les « petits naturalistes » sont restés « petits ».

There is no romance without love in France, as Thibaudet pointed out. One of the revolutions introduced by realism and naturalism consists in delegitimising the romance novel and relegating it to the working class sphere of the “romance novel for concierge”. The “little naturalists” therefore find themselves caught between the rejection of sentiment and the “sentimental personality” denounced by Flaubert on the one hand, and on the other hand, the expectations of the readers, or even the very basis of novel writing. Unable to get rid of love, they use two ways to make romance novels acceptable: irony, thus ridding the narrative of dull lives which love eschews to transform, and the incessant use of intertextuality which shifts the focus away from the story to the writing techniques. This desire not to be fooled, however, puts the novel at risk and may explain why the “little naturalists” have remained “little”.

Jean-Marie Seillan, « Huysmans, de Marthe à Sainte Lydwine de Schiedam »

Classé parmi les petits naturalistes autour de 1880, Huysmans est devenu vers 1900 un grand écrivain catholique. Attribué généralement à la conversion religieuse, ce changement radical de public et de statut s’accompagne pourtant d’une continuité fantasmatique surprenante. Cette étude en veut pour preuve la mise en scène du désir sexuel féminin, qui fait de Lydwine, l’héroïque sainte hollandaise, la descendante directe de Marthe, la petite prostituée parisienne.

Ranked among the small naturalists around 1880, Huysmans became a great Catholic writer around 1900. Generally attributed to religious conversion, this radical change of public and status is however accompanied by a surprisingly phantasmatic continuity. This study cites as proof the portrayal of female sexual desire, which makes Lydwine, the heroic Dutch saint, the direct descendant of Marthe, the little Parisian prostitute.

François Delolme, « Alexis, la face sombre de Trublot »

 Paul Alexis est un quasi raté : dans l’ombre de Zola, il n’a pas connu de réussite éclatante dans sa carrière d’écrivain. De l’avis de beaucoup, du sien même, il n’a pas brillé autant qu’il l’aurait voulu. En cause, son mode de vie, certains traits de son caractère et son inappétence singulière à l’activité d’écriture. Cela l’a conduit à une situation paradoxale pour un auteur : velléitaire et peu fécond, il a plus imaginé produire qu’il n’a réellement travaillé. Il a élaboré une œuvre rare, discontinue, tant en littérature que dans la Presse.

Pourtant, à un moment de son existence, il y a eu un renversement. Sous le pseudonyme de Trublot, de 1883 à 1888, il a tenu une chronique dans Le Cri du Peuple, le journal refondé par Vallès. Dans ses articles conçus au quotidien, il a commenté l’actualité culturelle d’une manière originale. Et au-delà, il est parvenu à construire un personnage très riche, à répandre ses idées, à créer un style propre. Il a alors incarné la figure visible du naturalisme. Et il a occupé une place éminente dans la société littéraire de son temps. A-t-il été satisfait de cette entrée dans la lumière ? Rien n’est moins sûr.

Paul Alexis is nearly a failure : in the shadow of Zola, he did not have much success in his writing career. In the view of many, including himself, he did not find the bright road he wanted to take. His lifestyle, certain traits of his character and a great lack of will when it was time for him to write, were the main reasons for his trouble. This state of fact led him to some paradoxical situation, as an author : irresolute, quite unproductive, he imagined achieving more than actually working and published a scarce number of texts and books, both in Literature and in the Medias.

However, in his life, at a certain point, he solved his ongoing disorders and encountered a great change. From 1883 to 1888, under the pseudonym of Trublot, he wrote a chronicle in the newspaper Le Cri du Peuple, re-founded by Vallès. Through his daily articles, he commented on current cultural events in his own way. And hereafter, he managed to build an interesting narrative figure, to spread his ideas and create a genuine style.

He became a prominent figure in the world of Naturalism. He even occupied an important place in the literary society of his time. Was he satisfied with this entry into the light ? Nothing is less certain.

Yoan Vérilhac, « La pornographie naturaliste des années 1880 : la banalisation du sexe comme enjeu narratif »

Dans les années 1880-1900, les romans des petits naturalistes de seconde génération, celle de Paul Bonnetain, Paul Adam ou René Maizeroy, alimentent le sentiment de montée en puissance d’une culture pornographique. De fait, un examen de ce petit naturalisme de scandale tend à indiquer quel rôle charnière la poétique du roman réaliste fin-de-siècle joue dans la banalisation, dans la culture moyenne, de la représentation explicite de la sexualité, et à la normalisation du plaisir sexuel comme enjeu diégétique.

During the last 20 years of the century, the novels of « small naturalist authors » like Paul Bonnetain, Paul Adam or René Maizeroy for instance, fueled the feeling of a rising pornographic culture. In fact, the scandalous books published by this generation take a major part in the trivialization, in middlebrow culture, of explicit representation of sexuality and sexual pleasure in narrative issues. 

Pierre-Jean Dufief, « Les “vies minuscules” de Lucien Descaves »

 Tandis que Zola amplifie, Lucien Descaves réduit, diminue par souci de vérité ; il semble voir tout en petit et il pratique constamment la miniaturisation, la réduction des espaces, le rapetissement des personnages ou l’effacement de l’intrigue. Son univers romanesque est celui des petits métiers et des petites gens, artisans, modestes commerçants, cafetiers. Cette réduction sociale a pour corollaire une miniaturisation de l’espace car les petites gens vivent à l’étroit, dans une relative promiscuité. Ces « vies minuscules » sont faites d’ennui, de désœuvrement, de menues tâches répétitives. Seul piment de ces existences, les minuscules cruautés du quotidien. Descaves n’idéalise pas plus le peuple que les bonnes intentions des philanthropes qu’il déteste. Il nous peint une humanité en proie à de mesquines querelles, à des conflits dérisoires ; la violence a perdu toute grandeur épique pour s’exercer à une échelle infime.

While Zola magnifies his subject, Descaves reduces his, to be nearer to the truth ; it seems as if the writer sees things in a small scale, constantly miniaturising, painting narrow areas, petty characters, and vanishing plot. His novels take place in the lower middle classes, earning their lifes with small jobs: craftsmen, shopkeepers, café-owners. Focusing on lower classes justifies to miniaturize, because these people live in small places, in a unpleasant promiscuity. These “tiny lives” are filled with bores, idleness, aimlessness and tiny repetitive tasks. The only spice is the tiny cruelties of everyday’s life. Descaves does not idealise the lower classes, neither does he for those who devote themselves to charity business. He depicts the human beings quarrelling for nothing ; the violence, though present, has lost its epic greatness.   

Corinne Saminadayar-Perrin, « Questions d’échelle »

En articulant leurs pratiques de réécriture à des variations d’échelle inventives voire inédites, les « petits » naturalistes interrogent les modalités et les objectifs des poétiques revendiquées par leurs aînés. Le goût du récit bref n’est pas incompatible avec l’ambition totalisante ; au cycle romanesque répond le cycle de nouvelles. Inversement, un roman-somme comme Terrains à vendre au bord de la mer enchâsse maintes séquences relevant de genres divers, du conte façon Maupassant au roman-feuilleton en pointillé. Enfin, les effets de concentration ou, au contraire, de désembrayage du récit interrogent, souvent sur le mode parodique, la question de la représentation – et les pouvoirs du récit, capable précisément d’orchestrer la fascination du presque rien, et de donner substance narrative au vide.

By articulating their rewriting practices with inventive or even unprecedented variations in scale, the “little” naturalists question the modalities and objectives of the poetics claimed by their elders. The taste for the short story is not incompatible with total ambition; the cycle of novels is matched by the cycle of short stories. Conversely, a novel-sum novel like Terrains à vendre au bord de la mer enshrines many sequences from various genres, from the Maupassant-style tale to the dotted serial novel. Finally, the effects of concentration or, on the contrary, of disengagement of the narrative question, often in a parodic mode, the question of representation – and the powers of narrative, capable precisely of orchestrating the fascination of the almost nothing, and of giving narrative substance to the void.

Pascaline Hamon, « Le second degré sans y penser : Ferdinand Brunetière et les “petits naturalistes” »

 Cet article replace la question du « second degré » dans le champ de la réception du naturaliste par ses contemporains. Il s’agit de se demander dans quelle mesure, un critique comme Ferdinand Brunetière a pu utiliser les critères définitoires du second degré pour combattre le naturalisme. Le critique n’utilise pas explicitement le terme « parodie » : il définit l’écriture des « petits naturalistes » comme autant de plagiats, afin d’amoindrir la valeur littéraire du courant. Si Brunetière n’utilise pas cette terminologie, c’est assurément par stratégie : il s’agit d’évincer toute idée d’un processus conscient, participant d’une intention artistique et signifiante. Ce faisant, pourtant, si Ferdinand Brunetière tente de discréditer le naturalisme en invoquant son essence parodique, il nous livre à son insu des clés montrant que les petits naturalistes étaient peut-être conscients de cette dimension ludique qu’il pointe comme une absence de réflexion.

This article places the question of the “second degree” in the reception of the naturalist by his contemporaries. The question is to what extent a critic like Ferdinand Brunetière was able to use the defining criteria of the second degree to combat naturalism. The critic does not explicitly use the term “parody” : he defines the writing of the “little naturalists” as so many plagiarisms, in order to diminish the literary value of the current. If Brunetière does not use this terminology, it is certainly by strategy ; it is a question of ousting any idea of a conscious process, part of an artistic and meaningful intention. In doing so, however, if Ferdinand Brunetière attempts to discredit naturalism by invoking its parodic essence, he unwittingly gives us keys showing that small naturalists were perhaps aware of this playful dimension that he points out as an absence of reflection.

II- Naturalismes du monde : les voix de l’étranger

1. Le chœur épistolaire

Céline Grenaud-Tostin, « Le rayonnement épistolaire de Zola à l’étranger »

Il peut être très éclairant de confronter la numérisation de la correspondance générale zolienne sur la plateforme EMAN à la problématique du « naturalisme-monde », c’est-à-dire de considérer le corpus constitué par l’ensemble des lettres adressées par Zola à des correspondants étrangers. Il s’agit de proposer une géographie épistolaire assortie d’une typologie balayant toute la période 1858-1902. Cette radiographie doit permettre de faire saillir tout à la fois points de convergence et particularismess locaux, avec, en ligne de mire, la volonté  de comprendre ce qui se joue exactement dans la relation à l’Autre. En dernier ressort, on pourra alors cerner le caractère visionnaire d’une empathie zolienne élargie à l’échelle de l’humanité.

Zola’s epistolary influence abroad

It can be very enlightening to confront the digitization of general Zola’s correspondence on the EMAN platform with the problem of “naturalism-world”, that is to say to consider the corpus made up of all the letters addressed by Zola to foreign correspondents. It is about offering an epistolary geography accompanied by a typology covering the entire period 1858-1902. This precise description should make it possible to bring out both points of convergence and local specificities in order to understand what is playing out exactly in the relationship with the Other. As a last resort, one can then identify the visionary character of a Zolian empathy extended to the scale of humanity.

Brigitte Émile-Zola et Jean-Michel Pottier, « Lettres à Émile Zola du monde entier »

Beaucoup de lettres adressées à Émile Zola pendant l’affaire Dreyfus sont encore inconnues. Grâce à la famille de Zola, la recherche universitaire peut les éditer et les étudier. Ces lettres témoignent de la réputation internationale de Zola. En outre, elles montrent que l’œuvre de Zola est bien connue dans le monde entier. Les lettres constituent d’importants objets d’étude : elles aident à comprendre comment l’engagement de Zola a été perçu et soutenu par des milliers de personnes.

Many letters to Emile Zola during the Dreyfus affair are still not public. Thanks to Zola’s family, university research may edit and study this correspondence. These letters demonstrate Zola’s international reputation. They show that his work is well known around the world. Letters are important subjects of study : they help to understand how Zola’s commitment was perceived and supported by thousands of people.

Paul Aron, « Les lettres belges à Émile Zola »

L’auteur rappelle d’abord la réception de l’Affaire Dreyfus en Belgique. Il analyse ensuite le corpus des 215 lettres de la « collection Belgique » adressées à Zola au début de l’année 1898. Il s’agit principalement d’hommages et d’encouragements de la part de citoyens ordinaires, lecteurs et admirateurs de l’écrivain. Mais le dossier comprend aussi des lettres inédites de personnalités importantes, comme Lucien Anspach, ou d’acteurs du monde culturel (comme Victor Lefèbre). Il est représentatif d’une émotion collective, partagée par des lecteurs de Zola qui se recrutent dans tous les milieux sociaux.

The author first recalls the reception of the Dreyfus Case in Belgium. He then analyses the corpus of the 215 letters from the “Belgium collection” addressed to Zola at the beginning of 1898. They are mainly tributes and encouragements from ordinary citizens, readers and admirers of the writer. But the dossier also includes unpublished letters from important personalities, such as Lucien Anspach, or actors from the cultural world (such as Victor Lefèbre). It is representative of a collective emotion, shared by Zola’s readers, who come from all walks of life.

Lettre de Ida Joseph à Émile Zola, du 7 février 1898
Lettre de Victor Lefèvre à Émile Zola, de février 1898
Lettre de Marie Van Hasselt à Émile Zola, du 14 février 1898
Lettre du Secrétaire du Parti ouvrier belge, Fédération de Bruxelles, à Émile Zola, du 7 février 1898
Lettre de Éva Orianne à Émile Zola, de février 1898
Lettre collective à Émile Zola, du 6 février 1898

Célia Vieira, « Les lettres portugaises à Émile Zola »

Nous nous proposons d’analyser un corpus de lettres envoyées à partir du Portugal à Émile Zola entre 1882 et 1901. Ce corpus, constitué par 28 lettres, dont uniquement trois sont écrites en langue portugaise et 25 en langue française, ne constitue pas un objet d’analyse uniforme, étant donné la diversité des sujets et des auteurs qui prennent la liberté d’écrire à Zola pendant cette période où, au Portugal, le romancier et son œuvre sont déjà fort reconnus. Nous chercherons à étudier ce corpus en tant qu’expression d’une audience qui reflet l’image de Zola comme figure publique. Les méthodologies utilisées seront l’analyse qualitative appliquée à l’identification des correspondants et l’analyse qualitative appliquée à l’analyse du discours des épistoliers.

We intend to analyse a corpus of letters sent from Portugal to Émile Zola between 1882 and 1901. This corpus, made up of 28 letters, of which only three are written in Portuguese and 25 in French, is not a uniform object of analysis, given the diversity of subjects and authors who took the liberty of writing to Zola during this period when, in Portugal, the novelist and his work were already well known. We will seek to study this corpus as an expression of an audience that reflects the image of Zola as a public figure. The methodologies used will be a qualitative analysis applied to the identification of correspondents and a qualitative analysis applied to the analysis of the content of the letter writers.

Lettre de Domingos Guimaraes à Émile Zola, du 5 février 1898
Lettre de Manoel de Castro à Émile Zola, du 11 aôut 1901
Lettre de La Union Communiste-Anarchiste de la Région du Sud à Émile Zola du 9 mars 1898
Billet de Thomaz Ribeiro à Émile Zola du 14 février 1898
Lettre de João Chagas, Mayer  Garção, Lemos de Napolez, ***, Lino José Cardoso, Carlos Callisto, Martins Figueira, Fernando Reis, Miguel Stockein à Émile Zola du 4 mars 1898
Lettre d’Angelina Vidal à Émile Zola, du 26 février 1898
Lettre de Julio Augusto Martins à Émile Zola, du 6 mars 1898
Lettre de Alfredo Bensaude à Émile Zola, du 6 juin 1899
Lettre de J. Carrilho Videira à Émile Zola, du 28 juin 1882
Lettre de João Barreira à Émile Zola, du 28 juillet 1889 (?)
Lettre de João Barreira à Émile Zola, du 13 juin, 1890-1892
Lettre d’Alice Moderno à Émile Zola, du 30 octobre 1894
Lettre de António Carvalho à Émile Zola du 9 novembre 1894
Lettre de Jayme da Costa Tavares, Julio César *** de Araujo, Manuel ***  et *** António Domingues à Émile Zola, du 5 septembre 1899
Lettre de Leonardo Antunes Rolla et Manoel Jose dos Reis à Émile Zola du 2 mars 1998

Consulter les lettres du Portugal envoyées à Zola (en portugaisen français)

Olivier Lumbroso, « Les lettres de l’aire hispanophone à Zola »

Cet article aborde les lettres en langue française provenant d’Espagne et des pays d’Amérique du Sud, qui ont été adressées à Emile Zola durant l’affaire Dreyfus. L’analyse se fonde sur la relation rhétorique que noue l’épistolier avec la figure de Zola : relations d’analogie, d’homologie, de ressemblance qui montrent comment la « lettre au grand écrivain » inclut une relation identitaire et fascinée, où se mêlent l’engagement citoyen du scripteur  et le besoin d’une parole autobiographique qui abouche la lettre à l’intime.

This article discusses the French language letters from Spain and South American countries that were addressed to Emile Zola during the Dreyfus case. The analysis is based on the rhetorical relationship between the letter writer and the figure of Zola. The relations of analogy, homology and resemblance show how the “letter to the great writer” includes a relationship of identity and fascination. The writer’s civic commitment and the need for an autobiographical word that brings the letter to the intimate are intertwined.

Lettre de Tómas Giner à Émile Zola du 22 septembre 1901
Lettre de Louis París Émile Zola du 7 août 1891
Lettre de Antonio Peña y Goñi à Émile Zola du 25 juin 1892
Lettre de Càrlos Docteur à Émile Zola du 3 avril 1896
Lettre de Càrlos Docteur à Émile Zola du 22 mai 1897
Lettre de Càrlos Docteur à Émile Zola du 18 octobre 1898

Consulter les lettres d’Espagne envoyées à Zola (en espagnolen français)

Hortense Delair, « Lettres italiennes (1897-1899) »

Cet article étudie le corpus des lettres en provenance d’Italie ou de destinateurs italiens, reçues par Zola entre décembre 1897 et juin 1899. La grande diversité géographique et sociale des scripteurs témoigne de la profonde résonance de l’Affaire Dreyfus en Italie et reflète, de façon plus ou moins biaisée et lacunaire, les principaux courants d’idées qui traversent le pays. L’Affaire est prétexte à une relecture de la relation franco-italienne, d’autant que les origines vénitiennes de Zola et ses romans très répandus au-delà des Alpes ont tendance à exacerber le patriotisme des scripteurs, ce qui fait probablement l’originalité de ce corpus.

This article studies the corpus of letters from Italy or from Italian addressees, received by Zola between December 1897 and June 1899. The great geographical and social diversity of the writers testifies how deeply the Dreyfus Affair resonated in Italy, and illustrates which kind of ideas and beliefs crossed the country, in a more or less biased and exhaustive way. The Affair is a pretext for a re-examination of the Franco-Italian relationship, especially because of Zola’s Venetian descent, and his novels, widely read beyond the Alps, which tended to exacerbate the patriotism of the authors of the letters. This is the reason why this corpus is probably very unique.  

Lettre de Francesco Costa à Émile Zola du 4 février 1898
Carte de Michel Mirra à Émile Zola du 6 février 1898
Lettre de Albert Morglia à Émile Zola du 5 avril 1898
Lettre de Marco Garelli à Émile Zola du 11 février 1898
Lettre de Giovanni Novello à Émile Zola
Lettre de Michele Cantone à Émile Zola du 17 janvier 1898
Lettre de Domenico Menghini à Émile Zola du 18 janvier 1898
Lettre d’Alexandrine Ravizza à Émile Zola du 8 février 1898

Consulter les lettres d’Italie envoyées à Zola (en français – en italien)

Sándor Kálai, « Les lettres de Hongrie »

Les lettres que Zola reçoit de ses lecteurs et admirateurs au moment de l’Affaire relève de la pratique de l’échange épistolaire asymétrique entre un lecteur, non pas anonyme, certes, un lecteur du journal dans la foule de tous les autres lecteurs, et une célébrité, une pratique jusqu’ici moins mise en lumière. Dans cet article nous voulons, d’une part, donner un aperçu global sur les lettres que le romancier a reçues de la Hongrie, en s’intéressant aux motifs et aux moyens de s’adresser à une célébrité et, d’autre part, fournir dans la conclusion quelques éléments pour réfléchir sur une problématique précise de la modernité multimédiatique : Zola peut bien être considéré comme une célébrité, même si le phénomène que le terme recouvre est un peu plus tardif.

The letters that Zola receives from his readers and admirers at the time of the Affair fall within the practice of asymmetrical epistolary exchange between a reader, certainly not anonymous, a reader of the newspaper in the crowd of all other readers, and a celebrity, a practice that has been less highlighted until now. In this article we would like, on the one hand, to give an overview of the letters that the novelist received from Hungary, looking at the motives and means of addressing a celebrity, and, on the other hand, to provide in the conclusion some elements to reflect on a specific problem of the multimediatic modernity: Zola can well be considered as a celebrity, even if the phenomenon that the term covers will take place a little later.

Agnès Elthes, « Lettres à Zola de Hongrie. Poétique des émotions dans le corpus épistolaire hongrois »

Le corpus épistolaire hongrois se compose d’un cinquantaine de  lettres adressées à Zola depuis l’Autriche-Hongrie à la fin du XIXe siècle au moment de l’affaire Dreyfus. Ce corpus montre une variété surprenante de correspondants : ceux-ci sont de tout âge, de toute catégorie socio-professionnelle et de tout niveau de français. Tout un éventail d’émotions se dégage de ces lettres qui sont souvent des témoignages personnels. Entre tous les sentiments qui passent dans les textes c’est, naturellement l’enthousiasme pour Zola, écrivain, homme, « combattant de la vérité, » qui domine comme axe transversal.  Toutefois,  la compassion avec le « pauvre » Dreyfus ou l’indignation, le mépris contre « le satanisme des juges »  témoignent d’émotions intenses chez certains épistoliers.

The Hungarian epistolary corpus consists of about fifty letters addressed to Zola from Austria-Hungary at the end of the 19th century at the time of the Dreyfus Affair. This corpus shows a surprising variety of correspondents: they are of all ages, all socio-professional categories and all levels of French. A whole range of emotions emanate from these letters, which are often personal testimonies. Among all the feelings that pass through the texts it is, naturally, the enthusiasm for Zola, writer, man, “truth fighter,” that dominates as a transversal axis.  However, compassion for the “poor” Dreyfus or indignation, contempt for “the satanism of the judges”, show intense emotions in some of the letters.

Consulter les lettres de Hongrie envoyées à Zola (en français)

Nicholas White, « L’aire anglophone : cinq contextes de lecture »

Le portail numérique du projet « naturalisme-monde » offre au lecteur du XXIe siècle l’occasion de redéfinir la version dixneuviémiste de mondialisation qu’incarna la célébrité de Zola au-delà de l’Hexagone. Pour mieux comprendre le potentiel de cette virtualisation de Zola, nous envisageons les paramètres suivants : les réponses épistolaires (diplomatique, journalistique, populaire) à la première visite de Zola à Londres ; les réponses du monde anglophone à l’Affaire et à l’exil de Zola ; l’évolution entre ces deux formes de discours épidictique, c’est-à-dire le rapport entre ces deux moments historiques des années 90 ; l’étendue géographique, transcontinentale de la correspondance anglophone ; les sources journalistiques des opinions sur les romans de Zola et sur l’Affaire exprimées par les lecteurs étrangers.

The digital portal of the ” Naturalisme-Monde” project offers the 21st century reader the opportunity to redefine the nineteenth-century version of globalization embodied by Zola’s fame outside France. To better understand the potential of this virtualization of Zola, let us consider the following parameters: the epistolary responses (diplomatic, journalistic, popular) to Zola’s first visit to London; the responses of the English-speaking world to the Affaire and to Zola’s exile; the evolution between these two forms of epideictic discourse, i.e., the relationship between these two historical moments of the 1890s; the geographical, transcontinental reach of the Anglophone correspondence he received; the journalistic sources of the opinions on Zola’s novels and on the Affaire expressed by foreign readers.

Isabelle Schaffner, « Les voix britanniques »

Cette contribution propose un bref panorama des lettres britanniques inédites envoyées à Zola en 1898-99. Une véritable culture populaire de l’Affaire se développe en Angleterre et revêt certaines particularités, liées au contexte de l’époque, à une distance et en même temps à une proximité face à l’affaire Dreyfus. L’analyse de ces lettres montrera la porosité qui émerge des différents types d’écrits (épistoliers, littéraires et journalistiques). Les cloisonnements tombent entre les naturalismes qui se créent et se recréent sous la plume des citoyens du monde qui écrivent à Zola.

This contribution provides a brief overview of the unpublished British letters that were sent to Zola in 1898-99. A genuine popular culture of the Affair developed and took on certain peculiarities in England, linked to the context of the time, and due to both a distance from and a closeness to the Dreyfus affair. The analysis of these letters will show the porosity that emerges from the different types of writing (epistolary, literary and journalistic). Categories vanish among naturalisms that are created and recreated under the pen of the citizens of the world who write to Zola.

Lettre de Woodsworth Donisthorpe du 20 novembre 1898
Lettre de Victor Fisher du 27 septembre 1899
Lettre de Geol Meek du 20 septembre 1899
Lettre de Lili Wertheimer du 22 juillet 1899
Lettre de la Marquise de Torre-Hermosa du 1er mars 1898
Lettre de C. R. Clemens du 13 juin 1899
Lettre de Pauline Cranston du 22 juin 1898
Lettre de Léon Pachalian du 21 janvier 1898
Lettre de E. M. R. Dundas du 19 février 1898
Lettre de J. Grant du 18 septembre 1899
Lettre de Gertrude Strauss du 19 avril 1899
Lettre de E. Anderson du 29 mai 1898
Lettre de W. Grant du 24 février 1898
Lettre de F. M. Selons du 24 mars 1898
Lettre de A. W. Stewart du 20 juillet 1899
Lettre de F. A. White du 13 février 1898

Myriam Kohnen, « “Une fenêtre ouverte ” : les lettres germanophones envoyées à Émile Zola »

À la fois trésor secret, document culturel et autoportrait psychologique, les lettres intimes figurent parmi les objets les plus opaques d’un chercheur. En effet, notre corpus germanophone fonctionne comme une « fenêtre ouverte » sur le tempérament des scripteurs : il nous permet d’établir des liens entre Zola et des gens parfois très connus (géologue, écrivains et autres). Il nous dévoile le regard porté par la jeunesse sur un intellectuel engagé dans l’affaire Dreyfus. D’autre part, ces écrits personnels impliquent parfois des problèmes de déchiffrement liés à la langue allemande du XIXe siècle. Ces lettres variées présentent un discours de l’encouragement et des propos admiratifs, qui constituent une requête au grand homme.

As a secret treasure, a cultural document and a psychological self-portrait, intimate letters represent for researchers quite opaque objects. Indeed, the German letters sent to Zola are very similar to an “open window” revealing the temperament of writers: they allow us to establish links between the author and some very well-known people (geologists, writers and others). They show us the vision of young people and their respect for an intellectual involved in the Dreyfus affair. On the other hand, these personal writings sometimes involve deciphering problems due to the German language of the 19th century. These varied letters present a speech of encouragement and admiration, as they offer a request to the great man.

Lettre de Dora *** à Émile Zola de 1898
Lettre d’Elsa Kedves à Émile Zola du 29 avril 1899
Lettre de Richard Braungart à Émile Zola du 3 juillet 1898

Élise Cantiran, « Géographie des sentiments américains »

Que révèlent les lettres des États-Unis sur la mentalité américaine, en particulier en ce qui concerne leurs goûts littéraires ? Cet article tente de définir les axes majeurs retenus par le lectorat. La méthode est au cœur des préoccupations : les correspondants tissent des liens entre les théories scientifiques de Zola et leur propre environnement. Leurs représentations du monde sont réinterprétées à travers les idées zoliennes. Les Américains tentent d’appliquer les théories de l’hérédité à leur propre famille. Beaucoup souhaitent vivement que l’auteur compose un roman à partir du matériau américain, et lui envoient des documents pour l’y aider. L’aspect moral est également au cœur des préoccupations, en particulier en Nouvelle-Angleterre. Les lettres sont toutes positives, et cherchent à démontrer que les romans zoliens sont moraux. La région des États-Unis dont les lettres viennent influence la perception. Les régions du Nord-Est conservent un lien important avec l’Europe, tandis que le Sud et l’Ouest ne découvrent Zola que lorsqu’il commence à être plus reconnu. Leur enthousiasme est parfois si grand qu’un grand nombre de lettres contiennent poèmes ou textes en prose à la gloire de l’écrivain, espérant parfois réinventer son modèle.

What do the American letters reveal on American’s mentality, especially on their literary tastes ? This article aims to define the major axes which readers hold back. The method deals with a lot of attraction: correspondents make links between scientific theories of Zola and their own environment. The world representations are reinterpreted through the zolian ideas. American try to apply heredity theories to their own family. A lot of them hope very much that the author writes a novel with american material, and send him documents to help. The moral aspect deals with a lot of attraction as well, especially in New-England. The North East areas keep an important link with Europe, whereas the South and the West only discover Zola when he starts to be well-known. Their enthusiasm is sometimes so great that numerous letters contain poems and texts written to the glory of the writer, sometimes hoping to reinvent his model.

Zaki Coussa, « Zola et ses correspondants du Proche-Orient »

Vu le nombre de lettres venues du monde entier en cette fin du 19ème siècle, on peut facilement parler de « mondialisation » avant la lettre. La nouvelle de l’injustice dont fut victime Alfred Dreyfus s’est répandue rapidement dans les quatre coins du monde et le Proche-Orient n’en a fait pas exception. Les correspondants de ces pays, qu’ils vivaient sur place ou à l’étranger, n’ont pas manqué à l’appel et ont vite réagi en envoyant des lettres à Zola lui exprimant avec beaucoup d’enthousiasme leur indignation et leur compassion.

Dans les 18 lettres étudiées, tous les correspondants, à part un, ont décliné leur identité et parfois même leur fonction : ce sont des hommes cultivés appartenant à une classe aisée de la société et occupant de hautes fonctions dans le domaine public ou privé. Leurs lettres, pour la plupart à sens unique, étaient des messages de soutien, d’encouragement et de félicitations, et certains d’entre eux avaient entretenu une correspondance suivie avec Zola et ont échangé même des cadeaux avec lui : livres dédicacés envoyés par l’auteur et des cadeaux en retour telles les fameuses « bouteilles de vin syrien ».

Given the number of letters coming from all over the world at the end of the 19th century, it is easy to speak of “globalization” before the letter. News of the injustice suffered by Alfred Dreyfus spread rapidly to the four corners of the world, and the Middle East was no exception. Correspondents from these countries, both at home and abroad, did not fail to respond, sending letters to Zola expressing their outrage and compassion with great enthusiasm.
In the 18 letters studied, all but one of the correspondents gave their identity and sometimes even their function: they were cultured men belonging to a wealthy class of society and holding high positions in the public or private sector. Their letters, most of them one-way, were messages of support, encouragement and congratulations, and some of them had maintained regular correspondence with Zola and even exchanged gifts with him: autographed books sent by the author and gifts in return, such as the famous “bottles of Syrian wine”.

Michaël Rosenfeld, « Une lettre de Jérusalem »

Envoyée à Émile Zola au lendemain de la publication de J’accuse, la lettre de soutien rédigée par Eliezer Ben Yehuda, l’un des intellectuels juifs les plus influents à Jérusalem à la fin du XIXe siècle, révèle l’attitude de la communauté juive hiérosolymite face à l’affaire Dreyfus. Eliezer Ben Yehuda apporte d’ailleurs publiquement son soutien à l’écrivain, mettant Ha-Zvi, l’hebdomadaire qu’il dirige, au service de la cause qu’il défend : plusieurs articles consacrés au romancier français, et des entretiens donnant la parole à Zola, y dévoilent ainsi l’admiration d’un peuple pour son courage. L’analyse de ces textes permet d’étudier comment Émile Zola devient, par sa défense du capitaine Dreyfus, l’un des symboles du combat contre l’antisémitisme dans la Palestine ottomane de l’époque, et pourquoi ce symbole perdure jusqu’à nos jours en Israël.

Eliezer Ben Yehuda, one of Jerusalem’s foremost Jewish intellectuals at the end of the Nineteenth Century, sends Émile Zola a letter of support shortly after he publishes J’Accuse. The letter reveals the views of the Jerusalemite Jewish community on the Dreyfus Affair. Ben Yehuda, editor of the weekly Jerusalem newspaper Ha-Zvi, then publishes a series of articles about Zola in which he expresses his admiration for the writer’s courageous defense of Dreyfus, and two interviews with him. These texts allow us to appreciate how Émile Zola comes to symbolize the fight against Anti-Semitism in Ottoman-era Palestine and why he remains a symbol to this day in Israel.

2. Résonances et dissonances

Claire White, « Zola et Gissing : le Demos des deux côtés de la Manche »

Cet article se propose de faire ressortir les préoccupations communes de deux romans quasi-contemporains : Germinal d’Émile Zola (1885) et Demos de George Gissing (1886). En revenant sur la question de la réception de Zola dans l’Angleterre victorienne, nous réfléchirons sur l’esprit démocratique qui devait animer la littérature naturaliste des deux côtés de la Manche. Dans ces deux récits de la poussée populiste, Zola et Gissing mettent chacun au premier plan les ambitions d’un (anti-)héros ouvrier. Cet article portera sur la méfiance qui s’exprime dans les deux cas envers la figure du prolétaire intellectuel ; et il cernera dans ce traitement du populisme la même capacité du roman naturaliste à s’interroger justement sur sa propre légitimité.

This article sets out to demonstrate the shared concerns at stake in two near-contemporaneous novels: Émile Zola’s Germinal (1885) and George Gissing’s Demos (1886). In returning to the question of Zola’s reception in Victorian England, it investigates the democratic impulse that was to animate naturalist literature on either side of the Channel. Through these two narratives of populism, Zola and Gissing foreground the ambitions of their working-class (anti)hero. This article focuses on the suspicion conveyed in each case towards the figure of the proletarian intellectual; and it identifies in this treatment of populism the same capacity of the naturalist novel to reflect on its own legitimacy.

Lettre de G. Bell à Émile Zola du 22 septembre 1893

Geneviève de Viveiros, « Les lettres du Canada »

Le Canada constitue l’un des points d’ancrage du réseau d’échanges culturels transatlantiques de la fin du XIXe siècle.  Grâce à la presse, l’Affaire Dreyfus et le procès de Zola ont été suivi de près par les Canadiens francophones comme anglophones. Notre article met en lumière les lettres du Canada envoyées à Zola pendant l’Affaire Dreyfus en prêtant une attention particulière à l’origine des épistoliers et aux thèmes abordés dans cette correspondance.

Canada was one of the anchor points of the transatlantic cultural exchange network of the late 19th century. Thanks to the press, the Dreyfus Affair and Zola’s trial were followed closely by French and English-speaking Canadians.  Our article sheds light on the letters sent to Zola from Canada during the Dreyfus Affair, paying particular attention to the social origins of their authors and the themes addressed in this correspondence.

Consulter les lettres du Canada envoyées à Zola (en anglaisen françaisen italien)

Pedro Paulo Catharina, « Les voix du Brésil dans l’affaire Dreyfus »

Célèbre au Brésil pour ses œuvres et pour sa projection médiatique, Émile Zola fut une référence pour nombre d’écrivains brésiliens qui se réclamaient du naturalisme. Au moment où éclate l’affaire Dreyfus, des admirateurs brésiliens et étrangers habitant au Brésil envoyèrent à l’écrivain des lettres d’appui qui mettaient en valeur les idéaux de justice et de vérité, associés à son œuvre. On retrouve dans cet ensemble de lettres aussi bien celles d’une élite financière et culturelle que celles des humbles. Ce sont des voix qui, depuis la jeune République brésilienne, s’élèvent par solidarité avec l’écrivain.

Famous in Brazil for his works and for his media projection, Émile Zola was a reference for many Brazilian writers who claimed to follow naturalism. As the Dreyfus Affair broke out, Brazilian and foreign admirers living in Brazil sent letters of support to the writer, highlighting the ideals of justice and truth associated with his work. In this collection of documents, we find letters sent by the financial and cultural elite as well as by humble people, who, from the young Brazilian Republic, raised their voices in solidarity with the French writer.

Lettre de Michele Abruzzini, São Paulo (SP), 23 février 1898
Lettre de N. Heÿndrickx, Rio de Janeiro (RJ), 7 mars 1898
Lettre de João Aymérich-Tarres, Curitiba (PR), 24 juin 1899
Lettre de Sylvino de Amaral, Madrid, 1er janvier 1898
Lettre de M. Borges, Paris, 12 février 1898
Lettre de J. Cesar Kouz, Paris, 7 juillet 1899
Lettre du Consul du Brésil, Paris, [1901-1902 ?]
Lettre de Tobias do Rêgo Monteiro, Rio de Janeiro (RJ), 15 novembre 1901
Lettre de Luís Gastão d’Escragnolle Dória, Rio de Janeiro (RJ), [1898]
Lettre de Luís Gastão d’Escragnolle Dória, Rio de Janeiro (RJ), 5 juillet 1899
Lettre d’Antonio Augusto Marinho da Cunha, Rio de Janeiro (RJ), 23 février 1898
Lettre de Leopoldo Teixeira Leite, Marcos da Costa (RJ), 1er mars 1898
Lettre d’Álvaro Botelho, (SP), 23 février 1898

Hans Farnlof, « L’affaire Dreyfus en Suède »

L’article comble une lacune mineure des études sur l’affaire Dreyfus en présentant un survol de sa destinée en Suède au XIXe siècle en tant que phénomène historique et point de repère politique et intellectuel. L’étude puise notamment dans la presse, source extrêmement riche grâce à la numérisation nationale en Suède, où l’on traite surtout l’affaire en raison du contexte sociopolitique et intellectuel du pays et en l’utilisant fort peu comme argument pour débattre telle question nationale. En distinguant ses différentes phases initiales, l’étude définie la problématique dreyfusienne en Suède et fournit ainsi un cas à comparer avec les conjectures internationales contemporaines.

The article fills a minor gap in the research on the Dreyfus case by offering an overview of its articulation in 19th-century Sweden as a historical phenomenon and a political and intellectual landmark. The study draws in particular on the press, an extremely rich source thanks to the national digitization in Sweden. The case is treated above all according to Sweden’s socio-political and intellectual context and substantially less as an argument invested in national debates. By distinguishing its different initial phases, the study situates the Dreyfus problem in Sweden, thus providing a case of comparison to the contemporary international tendencies.

Aurélien Lorig, « Enquête sur la présence de Zola dans l’enseignement en Norvège et en Suède »

Explorer les naturalismes du monde, c’est aussi s’interroger sur la présence de Zola dans l’enseignement norvégien et suédois. L’article dresse le bilan d’une enquête menée en collaboration avec des enseignants du secondaire et du supérieur. L’étude des programmes et leurs évolutions dans une perspective diachronique, ainsi que l’observation des manuels scolaires en usage a permis une approche didactique du naturalisme. Outre les traditionnels lieux communs, l’enquête révèle les spécificités de chacun des pays sollicités. Ces derniers transmettent les humanités naturalistes en tenant compte de considérations idéologiques, d’impératifs pédagogiques et d’éléments emblématiques en rapport avec l’image et la réception du naturalisme en France.

Survey on Zola’s presence in education in Norway and Sweden

Exploring the naturalisms of the world also means questioning Zola’s presence in Norwegian and Swedish education. The article is the result of a survey carried out in collaboration with secondary and higher education teachers. The study of curricula and their evolution in a diachronic perspective, as well as the observation of school textbooks in use, allowed for a didactic approach to naturalism. In addition to the traditional commonplaces, the survey reveals the specificities of each of the countries surveyed. The latter transmit the naturalist humanities by taking into account ideological considerations, pedagogical imperatives and emblematic elements related to the image and reception of naturalism in France. 

3. Synthèses et perspectives

Gabrielle Alfieri et Giorgio Longo, « Vues et voix de l’étranger dans le vérisme italien »

Le but de cette communication est d’abord de réintégrer le vérisme dans la perspective globale du naturalisme et de le reconsidérer comme une déclinaison italienne du réalisme narratif; la relation entre le “point de vue” et son expression stylistique (voix) dans l’écriture de Verga sera ainsi mise en évidence confrontés aux cas contemporains les plus emblématiques.

Nous assumons l’expérience la plus représentative du vérisme italien comme étude de cas exemplaire pour comparer les objectifs de la représentation esthétique et les résultats de la formulation linguistique avec les intentions et les résultats des auteurs naturalistes: tout d’abord Zola et, pour les contextes allemands et anglais, respectivement Auerbach et Hardy. La comparaison à mise en évidence nombreuses constantes entre ces auteurs, indépendamment de la diversité des codes linguistiques de la représentation.

Views and voices from abroad in Italian verism

The aim of this paper is first of all to reintegrate verism into the global perspective of naturalism and to reconsider it as an Italian declination of narrative realism; the relationship between the “point of view” and its stylistic expression (voice) in literary writing of Verga will thus be highlighted in the face of the most emblematic contemporary cases.

We take the most representative experience of Italian verism as an exemplary case study to compare the objectives of aesthetic representation and the results of stylistic formulation with the intentions and results of naturalist authors: first of all Zola and, for the German and English contexts, Auerbach and Hardy respectively. The comparison revealed many constants between these authors, irrespective of the diversity of the linguistic codes of representation.

Aurélie Barjonet et Karl Zieger, « Naturalismes du monde : l’apport de la littérature comparée »

Cet article fait le point sur la recherche comparatiste consacrée à la réception internationale de Zola et du naturalisme, des origines à nos jours. Aurélie Barjonet et Karl Zieger mettent au jour les aires culturelles étudiées dans la première moitié du XXe siècle ainsi que celles auxquelles, ces dernières années, ont été consacrées des thèses. Ils reviennent également sur tout ce qui a favorisé l’émergence de la question du naturalisme international et tout particulièrement sur les travaux d’Yves Chevrel.

Naturalisms of the world: the contribution of comparative literature

This article reviews comparative research on the international reception of Zola and naturalism from its origins to the present day. Aurélie Barjonet and Karl Zieger bring to light the cultural areas studied in the first half of the 20th century as well as those to which, in recent years, theses have been devoted. They also look back at everything that favoured the emergence of the question of international naturalism and particularly at the work of Yves Chevrel.

Philippe Hamon, « Zola en toutes lettres »

Les études zoliennes semblent décidées à exploiter le vaste continent de la Correspondance de l’écrivain. Mais une « Correspondance » pose au critique, à l’éditeur, au théoricien, à l’historien, de redoutables problèmes de définition : lettres manquantes, lettres non datées, lettres tronquées, lettres ouvertes, lettres anonymes, courrier des lecteurs, lettres de tiers parlant de Zola, lettres interceptées, lettres apocryphes, lettres à destinataires inconnus etc. Forment un corpus aux contours flous difficile à circonscrire. Quel « point de vue » (généticien ? Poéticien ? Graphologique ? Psychanalytique ? Historien ? Stylistique ?…) appliquer à son étude ? La période de l’affaire Dreyfus concentre toutes ces difficultés.

Zolian studies seem determined to exploit the vast continent of the Writer’s Correspondence. But a “Correspondence” poses problems of definition for the critic, the editor, the theorist, the historian: missing letters, undated letters, truncated letters, open letters, anonymous letters, and letters from readers, letters from people talking about Zola, intercepted letters, apocryphal letters, and letters to unknown addressees…. The “Correspondence”, a very complex subject, forms a corpus with blurred contours that is difficult to circumscribe. Which “point of view” applies to its study? The period of the Dreyfus Affair concentrates all these difficulties.